Michel Wintsch piano solo
Il y a une danse des mains au-dessus du clavier, une énergie d’abord silencieuse mais en mouvement. Le geste avant le son, les doigts frappent l’air, les touches sans les enfoncer, le bord du clavier, dans une chorégraphie qui ne laisse échapper qu’une partie des sons dans le piano, mais qui produit des sons « fantômes »: micros-sons, tocs, grattements, bruits de doigts, impact rythmiques, etc.
La prise de son vise à capturer ce mouvement pour l’offrir à l’auditeur qui habituellement ne l’entend pas, étant situé a quelques mètres de l’autre côté du piano.
C’est très physique, et permet d’insuffler beaucoup d’énergie dans des sons infimes, d’être en mouvement, en vibration constante, et de laisser passer la musique à travers cette implication corporelle. Le jeu pianistique, extrêmement dynamique, intègre ces sons à travers une gestuelle et une technique particulière, qui viennent s’ajouter au techniques pianistiques traditionnelles. La musique n’est pas tant improvisée. Elle est préparée, chorégraphiée.
« Il y a là une poésie mystérieuse, laissant chacun libre de trouver sa propre résonance. Ces sons habituellement indésirables (évités, rejetés) sont autant d’intimités, signes avant-coureurs d’ inspiration soudaine, de créativité, de gestes subtiles, insaisissables, se déplaçant dans plusieurs directions à la fois,comme autant d’invitations à l’auditeur » Stuart Broomer
------------------------------------------------------------------------------------------------------
METAPIANO
Michel Wintsch: piano, analog synthetizers, feet devices
Distillerie clandestine
Au fond de son jardin, bien dissimulée derrière les broussailles, le pianiste Michel Wintsch a installé une distillerie clandestine où il se réfugie en alchimiste assidu. Il assemble des claviers acoustiques, analogiques et synthétiques, des cordes et des peaux, puis détourne une panoplie d’ustensiles pour créer un réseau de vases communicants. Il en use sans vergogne jusqu’à extraire de ses grappes phoniques un concentré de brûlots à la teneur en alcool non homologuée. Ce piano aussi bien étendu que préparé, baptisé « metapiano », autorise la mise en abîme des strates musicales et semble animé d’une force propre. C’est un orchestre de percussions que le compositeur et unique interprète pilote en s’aidant parfois d’éléments de batterie et des prothèses sensorielles en divers matériaux.
Loin de nous transporter dans un monde trop merveilleux pour être honnête, Michel Wintsch ouvre la porte au fantastique, qui fait irruption avec une présence et une lisibilité de tous les instants. En inventant un nouveau terrain de jeu et en se fixant de nouvelles contraintes, il abolit les frontières entre improvisation et composition, ouvrant un chemin pataphysique de la composition comme un distillat phonique imaginaire.
Avec son sens de la forme et son don de jeter des ponts entre les arts et les sons, Michel Wintsch fait résonner cette aventure comme une réconciliation entre les instruments acoustiques, électro-acoustiques et électroniques. Se référant aussi à des disciplines voisines, il fait œuvre de passeur, nous ouvrant les portes de la perception et révélant les images que nous portons au fond de nous-même.
Christian Steulet
CD sur LEO Records
Michel Wintsch. piano Benoit Piccand: son